ARGENTO GIALLO 2009

[Master LD]

IL MAESTRO TUE LE GENRE UNE DEUXIEME FOIS !


On pouvait penser, après l'échec commercial de ses trois derniers longs métrages, que Dario Argento allait se faire des plus discrets.

Après s'être fait renié par sa communauté de fans idolâtres suite au très controversé « Mother of tears » on espérait tout au plus un épisode supplémentaire dans la prochaine saison des « Masters of Horror » de Mick Garris.
Il n'en sera rien.

En effet, pied de nez ultime, pirouette inattendue, le réalisateur se lance dans le tournage d'un film dont le titre « GIALLO » définit un genre cinématographique inventé par Mario bava et perpétué par divers réalisateurs italiens, dont Argento.

Ce dernier, après trois chef-d’œuvre 'giallesque' détruira lui même et avec une violence extrême ce genre en réalisant « TENEBRAE »,
film après lequel toute tentative de perpétuer cet art eût été vain !
Les déclarations du réalisateur ont depuis, toujours été très claires à ce sujet:
'J'ai définitivement assassiné le Giallo, personne ne pourra passer derrière Ténebrae'.
Ses confrères, la presse et le public se sont rangé à son avis à juste titre.

Alors, que peut bien annoncer un tel retournement de veste?

Car au-delà du titre, c'est bel et bien un vrai 'Giallo' qui nous arrive!
Un meurtrier qui tue, un enquêteur qui enquête. Voilà ce qui nous attend.
Est-ce une occasion de plus pour ses fans et détracteurs (Ils sont maintenant dans le même panier) de le reléguer au rang de définitivement périmé?
Je ne pense pas. La question qui se pose réellement est la suivante:
Qu'avons nous fait pour énerver Dario à ce point?




LE GIALLO, MARIO BAVA et La trilogie animale

Le terme giallo (littéralement 'jaune') est le nom utilisé en Italie pour désigner le roman policier. Il tire son origine d'une collection de romans policiers de 1929 jusqu'aux années 60.
Leurs couvertures jaunes cachaient des romans et des nouvelles aux codes bien établis (Femmes tuées à l'arme blanche, meurtrier ganté de cuir)
Le genre cinématographique qui émergea de ces livres en 1960 fut à l'origine l'adaptation à l'écran des romans avant de devenir, grâce aux techniques cinématographiques moderne, un genre à part entière.
Ces films sont caractérisés par de grandes scènes de meurtres excessivement sanglants, un jeu de caméra très stylisé et une musique inhabituelle combinée à la longue tradition italienne de l'opéra et du Grand-Guignol.
Mario Bava fut le tout premier à expérimenter le giallo au cinéma.
Il en définit ainsi les règles élémentaires comme les meurtres en vue subjective ce qui, lié à sa très grande expérience de la photographie et des mouvements de caméra, permis de donner naissance à des films tout simplement stupéfiants!

Le jeune Dario Argento va toute fois révolutionner le genre dès son premier essai en 1970.
Tout en respectant les codes, il apporte une touche personnelle qui va devenir indissociable de ces derniers.
Décaler à l'extrême la bande son de ses films grâce au talent d'Ennio Morricone (et plus tard, avec les Goblins), filmer les mains de l'assassin qui se déplace sur de long plans séquences, ajouter systématiquement la respiration du meurtrier lors des scènes en vue subjective, sont des choix radicaux qui contribuent grandement au sentiment d'identification du spectateur et donc, au stress qu'il ressent.

La trilogie animale d'Argento (Mêlée à l'œuvre de Bava) reste donc comme le fleuron du giallo à l'écran.
Il en réalisera les trois volets en deux ans (70-71) puis, s'éloignera petit à petit de ce genre, se rapprochant du fantastique.

JAUNE POURPRE

C'est en 1982, alors qu'il est désormais reconnu comme un maître du fantastique et de la terreur, qu'Argento va secouer le microcosme du cinéma de genre en réalisant « TENEBRAE », film qui va écarteler les codes du giallo…jusqu'à les faire voler en éclats.

Ce n'est pas un retour aux sources qui se présente à nous, mais la fin d'un courant artistique.
La conclusion d'une période d'expérimentation riche que le réalisateur va compresser en 1h puis, déchirer dans les trois derniers quart-d'heure de son film.
En effet, entièrement rouge et blanc, « TENEBRAE » pose d'entrée un décalage graphique saisissant.
Un érotisme ultra-présent s'entrechoque avec des scènes d'une rare violence, les variations sonores sont à la limite de l'agression et certains plans de caméra restent parmi les plus périlleux jamais réalisés.

Mais au-delà de l'aspect esthétique, c'est le scénario qu'Argento retourne.
En effet, il règne tout le long du film un climat surnaturel saisissant puisque Rome est filmée déserte et les acteurs, bien qu'habillés kitch 80, évoluent dans un contexte social totalement futuriste.
Passé la première demi-heure le détective tue le meurtrier et prend sa place pour régler quelques comptes personnels (A l'insu du spectateur).
On se retrouve donc avec deux meurtriers!
Les meurtres commencent au rasoir, au couteau…puis c'est la hache, pour finir avec une statue multiconique de deux mètres de haut!
Et le film se termine sur un hurlement de Daria Niccolodi qui, au-delà de la scène finale, se prolonge durant l'intégralité du générique de fin.
Autant dire qu'on en ressort lessivé!
Tout le monde s'accorde donc à dire que c'est la fin.
Le réalisateur lui-même, cinéastes, critiques et public l'avouent, après ça, il n'y a plus de giallo possible.

TUER UN MORT?

Sur « Mother of tears » Argento n'avait aucun carnet de bord.
Pas de charte à respecter.
Sa liberté de ton se devait d'être la seule et unique contrainte.
Le public, qui attendais un produit précis, à profondément rejeté l'expérience proposée, et renié le réalisateur.
Il nous revient donc fringuant, avec une annonce dont la teneur laisse à penser que nous l'avons…légèrement vexé?

« GIALLO » sortira durant le premier semestre 2009.
Le film traite d'un tueur qui choisit ses victimes selon certains critères esthétiques, puis assassine les plus moches!
Maltraité à cause de sa laideur, il se déteste et se fait appeler.. « GIALLO »
Tout est dit.

C'est bel et bien en 2009 que le public aura droit de réponse.
Les attentes injustifiées du précédent film sont ici balayées par le réalisateur qui annonce d'entrée la couleur.
Nous sommes donc en droit d'attendre une chose improbable,
Argento veut tuer un mort!

Masterlulu